« Il faut s’adapter »

Didier Crouzet, gérant de la scierie, entouré de ses deux fils, Anthony et Sylvain. (Ph. A. Merlingeas)

BOIS. La scierie Crouzet, à Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac, est une entreprise familiale qui transforme essentiellement du résineux local pour faire de la palette et du bois d’œuvre.

Ballottée par l’instabilité des cours du bois ces dernières années, la scierie Crouzet, à Rouffignac-Saint-Cernin-de-Reilhac, semble couler des jours heureux sous la direction de Didier Crouzet, le gérant, qui a été rejoint dans l’actionnariat de la SARL par ses deux fils, Anthony et Sylvain, âgés de 33 ans.

C’est sur le site familial, où se trouvait également la ferme, que son père, André Crouzet, avait créé une entreprise de débardage en 1962. À partir de 1980, il devient entrepreneur de travaux forestiers et se lance dans l’exploitation. Il crée la scierie en 1987 avec deux salariés. « Moi, je suis entré dans l’entreprise en 1988. On a commencé à mécaniser », se souvient Didier Crouzet. En 2002, une nouvelle scie de tête est achetée permettant d’augmenter le volume de sciage. L’année suivante, c’est au tour d’une écorceuse. « Le dernier investissement important qu’on a fait est l’acquisition d’une déchiqueteuse, en novembre 2019, pour faciliter le travail des salariés et revaloriser nos produits connexes », complète l’entrepreneur avant d’ajouter, laconique : « On a essayé d’évoluer ! »

Aujourd’hui, l’entreprise compte neuf salariés. Chaque année, elle traite environ 12 000 m3 de bois. « Nous n’utilisons quasiment que des bons résineux, en majorité des pins maritimes, précise le gérant. Nous traitons plus ou moins 80 m3 de bois brut par jour ; ce qui donne environ 50 % de rendement matière. » Il s’approvisionne en bois de gestion durable (PEFC) à 50 km autour de la scierie (Brive, Sarladais, Bergeracois), en sous-traitance ou en passant par des exploitants locaux.

Une clientèle en France

« On essaie de récupérer du bois de qualité et de le valoriser à sa juste valeur », explique-t-il. L’entreprise voit 10 % de ses volumes partir pour le bois de qualité. « Puis, il y a celui qui part à la caisserie. » En effet, les 90 % restants servent à confectionner des palettes et de l’emballage. 

Une fois écorcé, le billon part à la scie de tête où le scieur détermine la qualité avant de l’envoyer à deux autres machines qui assurent l’écartèlement et la finition du triage. Il y a un opérateur sur une machine, l’autre est automatisée. Ensuite, les salariés trient sur un tapis. Une fois classé par catégorie, le bois est coupé selon les longueurs demandées par le client. 

La clientèle justement est diverse et nombreuse, en Dordogne et un peu partout en France, d’Angers à Orange en passant par Clermont-Ferrand, selon Didier Crouzet qui reste assez discret sur leurs noms. « Nous essayons d’aller loin mais le coût de transport entre aussi en jeu. On cherche des régions où il y a de la demande. Au moment de la crise sanitaire, on a eu des demandes à Lille, peu importait le prix. Je les ai refusées », raconte-t-il. Le chiffre d’affaires de l’entreprise avoisine 1,8 Me. La scierie travaille aussi pour la filière papeterie. Les connexes de scierie servent à différents usages : granulés, paillage… « Hier, nos connexes étaient sous valorisés. Aujourd’hui, c’est un déchet valorisable », note-t-il avec satisfaction.

L’instabilité du marché

« C’était devenu ridicule et fou ! », lance Didier Crouzet à propos de l’explosion des cours du bois observée ces dernières années. « Aujourd’hui, le marché du sciage est en train de s’effondrer. Le volume et les prix sont à la baisse. Cela va devenir un problème avec un effet ciseau à cause du coût de l’énergie qui s’annonce important l’année prochaine », affirme-t-il alors qu’il renégocie ses contrats d’électricité. Par ailleurs, l’entrepreneur relève des difficultés à s’assurer. 

Dans ce contexte incertain, il met un frein aux gros investissements. Le dernier remonte à 2019, avec l’agrandissement et l’achat de la déchiqueteuse, soit 400 000 e. Didier Crouzet mène sa barque prudemment ; une constance dans la gestion, gage de pérennité dans un marché de plus en plus instable. « Dans les années 90, on traitait un marché à l’année. Aujourd’hui, c’est pour deux ou trois mois. Ça fluctue. On n’a plus de vision à long terme. Il faut s’adapter et se plier à la demande du client », constate celui qui prend aujourd’hui tous ces déséquilibres avec davantage de philosophie ; privilège de l’expérience.

Quant à la critique de plus en plus virulente de la société à l’égard de l’exploitation forestière, « on n’est pas là pour piller la forêt de la Dordogne. Nous récoltons les bois lorsqu’ils sont à maturité », répond-il.

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