Faucher plutôt que semer

Le premier changement majeur instauré par Denis Dezon est d’avoir intégré l’herbe comme base de l’alimentation à la place d’un système basé sur le maïs et le soja. (Ph. L. Lemaire)

Élevage. À Archignac, voilà six ans que Denis Dezon a opéré un virage à 180° pour nourrir ses prim’holstein. Il base toute leur alimentation sur l’herbe, a changé ses pratiques culturales. Et ça fonctionne.

“Bien manger, bien vivre“, “Mangez sainement, vivez plus longtemps“. Les slogans sur l’alimentation humaine sont légion et pourraient très bien s’appliquer à nos amis les animaux. Denis Dezon a choisi, en 2016, d’appliquer ce principe à son troupeau de 83 prim’holstein. C’est le récit de cette bascule complète de son système d’élevage et d’exploitation que sont venus écouter et constater sur site les participants à l’assemblée générale de Copeldor (Coopérative des éleveurs de Dordogne), vendredi 25 novembre, à Archignac.

« Économiquement, je n’avais pas le choix. Il fallait que je trouve une solution pour baisser les dépenses », se souvient Denis Dezon qui, en voulant réduire ses charges, a gagné en autonomie et amélioré le potentiel de production de son exploitation. Pour lui, il y aura eu un avant et un après 2016.

Lorsqu’il reprend l’exploitation familiale en 1993, cette dernière s’étend sur 35 hectares et produit 97 000 litres de lait et du tabac. Il agrandit, passe à 150 ha de SAU (surface agricole utile) et monte à 830 000 litres de lait par an avec 83 vaches (72 à la traite, 11 taries et 60 génisses). À cela s’ajoute un atelier de volailles de chair avec 15 000 poulets fermiers de 100 jours. « Vu les prix des maïs, soit je changeais de système, soit j’arrêtais. »

Fauche précoce l’après-midi

Cinq changements majeurs ont ainsi été mis en place sur l’exploitation des Ans. La première a concerné l’alimentation de son troupeau. « Nous sommes passés de 32 ha de maïs ensilage à 8,5 ha, en intégrant l’herbe », explique Denis Dezon. Dans la ration journalière d’une vache en production, par exemple, il a réduit le soja de 3,8 kg à 2,5 kg. L’économie de 1,3 kg représente un gain d’achat d’aliment de 20 000 Ä par an. Et les 38 kg de maïs ont été remplacés par 50 kg de paille, d’enrubannés, d’orge, de maïs épis et maïs ensilage et de soja. « Nous avons gagné en autonomie alimentaire et divisé par deux nos frais vétérinaires, donc amélioré notre marge brute », constate l’éleveur avec satisfaction.

Repenser ses rations a engendré une modification des assolements. Pour améliorer le potentiel agronomique des parcelles, Denis Dezon a ainsi instauré des prairies temporaires et de la luzerne, avec rotation tous les cinq ans, suivie de légumineuses. Entre deux maïs, il a également implanté systématiquement des couverts végétaux. « Cela participe à fixer l’azote, remobiliser les nutriments et préserver la structure des sols avec des implantations de printemps facilitées », détaille Angèle Casanova, agronome et conseillère à la Chambre d’agriculture de Dordogne.

Pour récolter ses fourrages, Denis Dezon a choisi la fauche précoce afin de récupérer un maximum de protéines. « Nous commençons en mars, début épiaison, l’après-midi pour laisser monter les sucres solubles », énonce l’éleveur, qui pratique le multicouches « pour essayer d’avoir une ration linéaire ».

Mélangeuse pour génisses

Enfin, l’agriculteur peut se targuer aujourd’hui d’être entièrement autonome sur l’alimentation des génisses. « Nous fabriquons et mélangeons nous-mêmes. » Le “mash“ pour 15 génisses contiendra donc du foin à volonté, 26 kg de foin de luzerne, 9 kg de paille, 18 kg de minéraux, 369 kg d’orge, 135 kg de soja et 108 kg de mélasse. La mise en place d’achat groupé de matières premières pour alimenter ces rations (soja et drêche) est le dernier levier que Denis Dezon a activé lors de son changement à 180°. « C’est encourageant de constater que certains ont sauté le pas et que ça fonctionne », s’est réjoui Julien Michau, directeur de Copeldor.

Assemblée générale

À l’équilibre

« Nous avons redressé la barre en faisant des économies de charges. Aujourd’hui, nous sommes proches de l’équilibre même si nous avons un peu de mal à franchir les derniers mètres pour être parfaitement stables. » Le directeur de Copeldor, Julien Michau, se félicite de constater que la coopérative n’a plus de dettes, aujourd’hui. Le salut, selon lui, viendra d’une diversification des services et de l’expertise qu’elle propose à ses adhérents, dont le nombre baisse inexorablement. « Nous devons penser à proposer des accompagnements vers des sujets tels que l’eau ou l’agroécologie. » D’où, notamment, le rapprochement avec le GIEE des éleveurs des coteaux du Sarladais, dont fait partie Denis Dezon. « Nous devons trouver des recettes supplémentaires pour maintenir la coopérative à flot. »

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