Pour un retour aux sources

Guillaume Jourdain, d’Élévation bois à Calès, présente la charpente traditionnelle en châtaignier réalisée par son entreprise chez un particulier à Trémolat. (Ph. A. Merlingeas)

Construction. Guillaume Jourdain, gérant de l’entreprise Élévation bois à Calès, veut utiliser davantage de chêne et de châtaignier pour réaliser ses charpentes et maisons, en passant par des scieries locales.

Le marché du bois n’a peut-être jamais été aussi incertain. Les prix ont beaucoup augmenté et varient d’une semaine à l’autre. Au sein de l’entreprise Élévation bois, à Calès, spécialisée dans la charpente traditionnelle, la couverture, la zinguerie et la maison bois, Guillaume Jourdain, créateur et gérant, ne cache pas son inquiétude même si l’activité ne faiblit pas trop. L’artisan voit aussi dans cette conjoncture compliquée l’opportunité d’évoluer dans son mode d’approvisionnement. « J’en ai marre d’acheter du bois fabriqué par les Allemands et les Autrichiens, de la poutre industrielle qu’on achète parce qu’elle est moins chère alors qu’on a tout ici », explique-t-il. Pour cela, il affirme qu’il faudrait changer la gestion forestière en France, en particulier en Dordogne, où la forêt est très morcelée. « C’est dommage que l’on n’arrive pas régénérer nos forêts correctement. » 

Dernièrement, l’artisan vient de réaliser une charpente en châtaignier pour la maison d’un particulier à Trémolat, une architecture atypique imitant une chartreuse. « Pourquoi ce choix plutôt que du chêne ? Parce que le client et moi-même nous préférions cette essence. Je trouve le châtaignier plus joli. Il a une très bonne résistance. C’est dommage qu’on ne l’utilise pas davantage en charpente », affirme-t-il. L’artisan veut revenir à l’utilisation de ces feuillus abandonnés depuis longtemps. « Le chêne était un peu la Rolls-Royce de la charpente. On disait que c’était pour les gens riches. C’est faux. Aujourd’hui, le prix des résineux industriels a augmenté de 30 ou 40 %. » Ces fortes hausses mettent en difficulté les entreprises comme la sienne qui ont du mal à les répercuter auprès des clients. 

Scieries locales

Désormais, Guillaume Jourdain cherche à passer directement par des scieries locales ou régionales pour s’approvisionner. Il travaille aussi avec des négociants, en majorité Coste bois au Pays-de-Belvès. « Nous passons par eux pour l’achat de nos panneaux et autres. En ce qui concerne le débit sur liste, ce qu’on appelle la commande de bois pour monter nos charpentes, nous voulons être en direct avec les scieurs », explique l’artisan. Il cite les scieries Merle et fils à La Coquille, Delord à Tocane-Saint-Apre, ou Peuch à Besse. « Nous avions abandonné un peu les scieries car le négoce proposait beaucoup de choses. C’était plus facile pour nous », avoue-t-il. 

Pour la construction de maisons bois, l’entreprise périgourdine utilise beaucoup de douglas qui vient du Massif central ou du Jura. « En matière de charpente traditionnelle, nous essayons d’utiliser de plus en plus de chêne et de châtaignier. On est purement local ou régional, via la scierie Galonnier dans le Tarn-et-Garonne. » Guillaume Jourdain
regrette l’état de dépérissement des forêts de châtaigniers en Dordogne. « C’est difficile car on aura des petites sections et longueurs alors qu’en Tarn-et-Garonne, on trouve encore de grands châtaigniers. » 

Séchoirs à tabac

L’entreprise de Calès travaille avec des particuliers et ne participe pas aux marchés publics. Son secteur d’intervention est essentiellement la Dordogne et le territoire de l’ancienne Aquitaine (Lot, Lot-et-Garonne et Landes). 

Depuis deux ans, Élévation bois s’est lancée sur le marché, en expansion, de la rénovation des séchoirs à tabac. « Nous avons beaucoup de demandes, notamment en Lot et Lot-et-
Garonne »,
affirme-t-il. La plupart du temps, il s’agit d’agriculteurs qui veulent faire de la location saisonnière ou annuelle. « Les trois quarts des séchoirs sont en bon état. Il s’agit de renforcer un peu la structure existante avant de créer les murs en bois. »

L’entreprise réalise quelques chantiers en France, parfois pour des personnalités célèbres dont l’entrepreneur préfère taire l’identité. « Nous faisons moins de maisons en bois qu’avant. Avec la conjoncture, nous revenons davantage sur des chantiers de charpente traditionnelle. » L’entreprise a créé un atelier métal et embauché un chaudronnier pour concevoir la petite serrurerie de ses maisons dans une volonté d’autonomie. « Nous sommes un peu le dernier maillon de la chaîne. Nous fabriquons tout nous-mêmes dans notre atelier de 600 m2 avant de faire la pose. Mon but est de n’avoir aucun sous-traitant. »

Focus

Une histoire de compagnon

Natif de Bourgogne, Guillaume Jourdain a fait les Compagnons du devoir comme charpentier. Dans le cadre de son tour de France, il travaille aux Ateliers Férignac, à Hautefort. Il arrive en Dordogne en 2006, où il crée son entreprise en 2008. « J’ai commencé à Sainte-Alvère avant de trouver un terrain à Calès pour construire les ateliers », raconte l’artisan. En 2012, Christophe Genson, le dirigeant de Coste bois, s’associe avec lui en entrant au capital de l’entreprise. Un compagnonnage qui s’est arrêté depuis un an. En 2021, Élévation bois a réalisé un chiffre d’affaires de 500 000 Ä. L’entreprise emploie six salariés, gérant compris. « Je prends des gens motivés qui sont formés en interne. Beaucoup viennent de l’Afpa à Boulazac. Ils font des reconversions professionnelles. »

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