Des vignerons engagés

David Dauphin, Gaëlle Reynou-Gravier et Thierry Daulhiac se sont engagés en faveur de projets tournés vers la biodiversité et la sobriété énergétique. (Ph. Th. Mercier)

BIODIVERSITÉ. L’Interprofession des vins de Bergerac Duras a organisé une conférence, mardi 28 novembre, au Quai Cyrano, à Bergerac, sur le thème de la nature. Trois projets de professionnels ont été présentés.

Depuis 2019, l’Interprofession des vins de Bergerac Duras (IVBD) s’est engagée dans le programme Vitirev, qui vise à encourager des initiatives de viticulteurs engagés vers la transition écologique. Huit projets collectifs ont pu voir le jour comme le développement de la robotique au sein de la cave de Monbazillac pour expérimenter le travail mécanique sous le rang, l’implantation de stations météo, le déploiement d’outils d’aide à la décision pour réduire les intrants et, enfin, la mise en place d’un groupe pilote pour le développement de l’agroforesterie.

Au-delà des projets collectifs, certains viticulteurs se sont engagés à titre individuel dans des démarches vertueuses. Trois d’entre eux ont témoigné à l’invitation de l’IVBD, mardi 28 novembre au Quai Cyrano.

Gaëlle Reynou-Gravier est viticultrice au Domaine de Perreau en agriculture biologique sur 27 ha. Elle a récemment construit un chai avec un dispositif photovoltaïque. « J’étais confrontée à un bâti vieillissant et pas très confortable pour travailler. La réflexion s’est très vite portée sur la réalisation d’un nouveau bâtiment écologique pour vinifier, conditionner et préparer les commandes », détaille-t-elle. Elle a donc fait construire un hangar photovoltaïque de 400 m2, qu’elle a autofinancé sans passer par un prestataire. Un choix qui se justifie par le besoin de maîtriser la superficie du bâtiment.

« Je me suis engagée pendant 20 ans auprès d’EDF à qui je revends l’intégralité de mon électricité. L’idée est d’être dans un système d’auto-consommation à l’issue du contrat », ajoute-t-elle. Son bâtiment a la capacité de produire 100 kilowatt-crête par an et celui-ci est amorti grâce au financement de FranceAgriMer et la revente de l’énergie fixée à 0,09 Ä/kWh. Un gain financier estimé à 12 000 Ä/an.

Un engagement pour la nature

Le second témoignage de la conférence a permis à Thierry Daulhiac, propriétaire du Château Le Payral à Razac-de-Saussignac, d’exposer les raisons pour lesquelles il s’est tourné vers la biodynamie. Ce viticulteur est installé depuis 1992 sur une surface de 15 ha en appellation bergerac et saussignac. Son engagement remonte à 2003 lorsqu’il a converti son exploitation en agriculture biologique. « Je voulais doper la vie de mes sols en recréant de l’interaction entre la vigne et la nature. Le déclic est arrivé lorsque je me suis aperçu que je n’avais plus aucun arbre sur mon exploitation, ce qui peut favoriser le développement des ravageurs. C’est la raison pour laquelle je me suis tourné vers l’agroforesterie et la biodynamie. »

Dans un premier temps, il a mis en place des haies intraparcellaires qu’il protège avec une pellicule de 50 cm de paille pour limiter le salissement et freiner l’évapotranspiration. Ensuite, il a
opté pour la mise en place d’engrais verts pour favoriser la remontée du taux de matière organique (MO). « Ce taux de matière organique est très important car il favorise l’effet éponge. Pour le moment, je suis à environ 3 % de MO, or l’optimum serait d’être à 5 % », détaille-t-il avec précision. 

Enfin dans sa stratégie de développement de la biodiversité, le vigneron a créé des corridors en se servant des lisières de la forêt attenante à son exploitation pour connecter ses haies et favoriser ainsi le développement de la faune auxiliaire. « J’estime que nous avons tous un rôle à jouer et ma démarche contribue à redonner de la vie dans le sol. »

Le dernier témoignage a été celui de David Dauphin, directeur d’exploitation au lycée viticole de La Brie, à Monbazillac. « L’exploitation s’étend sur 30 ha. Elle est passée en agriculture biologique lors de la récolte cette année. Nous avons aussi le label Haute valeur environnementale (HVE) de niveau 3. Nous avons une obligation d’expérimentation à la fois pour les élèves mais aussi pour la filière. D’où la mise en place d’un projet d’agroforesterie sur l’exploitation », cadre David Dauphin.

L’agroforesterie dans la vigne

Au départ conçu pour 1 ha, le projet est désormais dimensionné sur 4 ha d’agroforesterie qui seront finalisés au printemps 2024. « Ces 4 ha ont été réfléchis en parcelle d’environ 1 ha. Les premiers arbres ont été plantés dans des cépages de monbazillac, à savoir sémillon et sauvignon gris, et un cépage en dehors de l’appellation, la muscadelle, qui va être planté après les fêtes », explique le directeur de l’exploitation.

Les arbres ont été disposés par espèce avec une ligne d’arbres puis huit rangs de vignes. Concernant les essences d’arbres, l’établissement a opté pour une diversification avec des noyers dans l’idée de produire des noix dans les prochaines années. Ensuite, de l’aulne glutineux qui capte l’azote de l’air pour la restituer dans le sol. Troisième espèce, le tilleul à petites feuilles avec pour objectif d’apporter des ruches sous les arbres une fois la floraison bien développée. Le bouleau a aussi été choisi car il a la particularité d’avoir un couvert léger qui ne fait pas trop d’ombre sur la vigne. Enfin, des arbres fruitiers constituent la dernière espèce. « La cuvée 2024 sera la première en agroforesterie », précise David Dauphin.

Tous ces témoignages montrent à quel point la filière viticole est en pleine mutation. L’engagement de ces professionnels démontre que la filière ne reste pas insensible face aux changements climatiques.

 EN CHIFFRES

5 % de matière organique, niveau optimal pour la vigne de Thierry Daulhiac

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