Les agris ne décolèrent pas

Quantité de pneus et de déchets ont été déversés au rond-point de la zone commerciale de La Feuillerais, à Trélissac. Une centaine de tracteurs y ont stationné et défilé. (Ph. L. Lemaire)

DORDOGNE. En début de semaine, les trois syndicats ont multiplié les actions à La Bachellerie, Montpon, Sarlat et Bergerac. Mercredi, ils sont retournés au rond-point du Pont du Cerf, à Périgueux.

Le mouvement de protestation générale qui anime les agriculteurs depuis maintenant une semaine et demie compte plus de rebondissements que la meilleure des séries Netflix. À chaque jour son action ; à chaque action son lieu et sa manière d’agir. Des blocages de ronds-points et de l’A89 aux déversements de déchets devant la préfecture et à la zone commerciale de La Feuilleraie, à Trélissac, en passant par l’usine de Fromarsac ou les opérations de péage gratuit à La Bachellerie, et le départ du convoi de tracteurs pour le marché de gros de Rungis, retour sur une semaine riche d’actions et de revendications.

« C’est une très bonne chose de maintenir la pression. Il y a eu des annonces certes, mais ils nous manquent des certitudes vis-à-vis des accords de libre-échange. »
Jean-Philippe Granger, président de la Chambre d’agriculture

Jeudi

Une cinquantaine de tracteurs sont stationnés près de la route de Bordeaux, à Marsac-sur-l’Isle. Du lisier, du fumier, de la paille, des pneus et des cagettes ont été déversés devant le portail de l’entreprise Fromarsac (groupe Savencia), symbole de la non-application de la loi EGalim. « Des normes, des papiers… On nous en demande toujours plus, plus, plus. » La coupe est pleine pour Olivier et Fabrice Etropie, éleveurs laitiers à Saint-Martin-de-Ribérac. Loïc élève des bovins, ovins et canards, en association avec son frère, à Fouleix. « Avec le trou de 4 000 Ä dû à la baisse des écorégimes et les charges qui explosent, notamment pour des frais sanitaires autour de toutes les maladies comme la MHE (maladie hémorragique épizootique, ndlr) et la FCO (fièvre catarrhale ovine, ndlr), nous entamons notre année avec – 10 000 Ä ; c’est largement le salaire annuel d’un de nous deux. »

« Le compte n’y est pas donc nous allons continuer à nous mobiliser. »
Éric Chassagne, président de la CR24

Vendredi

On croit avoir atteint le climax de la mobilisation : une centaine de tracteurs sont annoncés dans le centre-ville de Périgueux, devant la préfecture. À la dernière minute, le convoi décide de se scinder en deux : une petite partie se retrouver aux allées Tourny, dans le centre-ville quand une très grande majorité prend finalement la direction de la zone commerciale de La Feuilleraie, à Trélissac. Plus organisés de jour en jour, les agriculteurs ont donc méthodiquement déversé le contenu de leurs bennes et tonne à lisier, là devant la préfecture, ici, sur le rond-point ainsi que sur la plupart des accès de la zone commerciale. Le jour même, Gabriel Attal annonçait une première salve de mesures, depuis Montastruc-de-Salies (82), où il était en déplacement (voir page 4). « Insuffisant » pour Guillaume Testut, président des Jeunes Agriculteurs Dordogne (JA24). « Je note des avancées sur la question de la simplification, le GNR ou encore la MHE. Ce sont des mesures qui vont dans le bon sens mais sur le revenu et la rémunération dans les fermes, le Premier ministre n’a rien dit de significatif », complète Éric Chassagne, de la Coordination rurale (CR24).

Simplification des normes : « Il nous faut des actes. À titre d’exemple, le dépôt d’un dossier pour une retenue collinaire coûte en moyenne 5 000 € sans avoir la certitude qu’il soit accepté. Ce n’est pas normal. »
Marie Griffaton, présidente FDSEA

Dimanche

Même si la Confédération paysanne nationale appelait à bloquer les centrales d’achat, dans un communiqué le 30 janvier, en Dordogne, le syndicat s’est mobilisé plus tardivement et souhaitait se démarquer des actions des confrères de la FDSEA, des JA24 et de la CR24. « Sur les causes et les solutions de la crise agricole, nous ne sommes pas d’accord avec les autres syndicats. C’est pour cela que nous avons pris l’initiative de ne pas participer aux manifestations avec eux », selon François Soulard, porte-parole de la Confédération paysanne en Dordogne, qui ne réprouve pas pour autant leurs actions. Dimanche, au parking Tourny à Périgueux, le syndicat agricole a préféré organiser une action symbolique, avec un casse-croûte, en présence de citoyens et d’élus. « Nous allons sûrement refaire d’autres actions comme celle-ci pour maintenir la pression. »

« Nous avions plusieurs revendications à faire passer à commencer par le GNR. C’était une attente de la profession et, sur ce sujet, Gabriel Attal a été au rendez-vous. En revanche, rien n’a été annoncé sur l’amélioration des revenus des agriculteurs. »
Guillaume Testut, président des JA24

Lundi

Habillés de baudriers jaunes, les agriculteurs ont formé un corridor filtrant avec leurs tracteurs au péage de l’A89 à La Bachellerie, à l’appel de la FDSEA et des JA24, avec l’intention d’y rester jusqu’à jeudi minimum. Ils sont une quarantaine à avoir ouvert les barrières pour une opération “Péage gratuit”, filtrer les véhicules et distribuer des tracts contenant les principales revendications : surchauffe réglementaire, prix d’achat des matières premières agricoles trop bas, accords de libre-échange jugés scandaleux, retards de paiement de la PAC… « La Loi EGalim n’est pas respectée depuis cinq ans. Il est prévu des sanctions à trois industriels alors que 100 % d’entre eux ne respectent pas la loi. Il faut des sanctions fortes. Nous avons envoyé sept contrats, aucun n’est revenu signé », explique Pierre-Henri Chanquoi.

EGalim : « Ça ne sert à rien d’engager plus d’agents de la répression des fraudes s’il n’y a pas de sanctions prononcées à l’encontre des GMS. Il faut de vrais moyens pour mettre des amendes et que l’argent parte en direction des agriculteurs. »
Marie Griffaton, présidente FDSEA

Mardi

Un bus affrété par les JA24 et la FDSEA est parti, dans l’après-midi, de Thiviers, avec une quarantaine d’agriculteurs à son bord. Objectif : rejoindre le convoi des tracteurs de la CR24 et 47, parti en début d’après-midi du rond-point de Roumanière, à Bergerac (voir article page 4). À La Bachellerie, l’opération “Péage gratuit” a été arrêtée au privilège de contrôles des camions étrangers dans les deux sens de circulation. Une opération s’est aussi déroulée à Brantôme, au rond-point, direction Angoulême.

Mercredi

Les agriculteurs sont de retour au Pont du Cerf, à Périgueux, à l’appel de la FDSEA, des JA et de la CR. L’après-midi, ils ont bloqué l’A89. Ils comptaient rester au moins jusqu’à vendredi en attendant des annonces satisfaisantes. Un convoi de plusieurs tracteurs avec des bennes chargées est parti à Métro, dans Périgueux, pour verser leurs chargements. À Sarlat, la CR filtrait au rond-point de la place du Tabac.

Devant la préfecture de Périgueux, un manitou symboliquement estampillé CR, FDSEA et JA pousse les déchets à entasser. (Ph. L. L.)
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