Coups de foudre et de génie

Dans son atelier ouvert aux quatre vents, Virginie Dulac décercle ses barriques et travaille les douelles pour créer petit ou grand mobilier. (Ph. L. Lemaire)

RECYCLAGE. Après avoir travaillé des années en tonnellerie, Virginie Dulac a monté Les Bois Dulac, son entreprise de revalorisation de foudres et fûts de viticulteurs, qui deviennent mobilier, grand et petit.

Elle les appelle des « géants de chêne ». Pour bien se rendre compte, plutôt que de donner des dimensions, il serait plus correct d’évoquer des capacités pour parler des foudres que Virginie Dulac affectionne tant. Pour les néophytes, les foudres, en viticulture, sont de très grands contenants pouvant aller de 10 hectolitres (ou 1 000 litres) à 610 hectolitres de vin, bière ou cognac. Le plus volumineux, construit à Thuir, dans les Pyrénées-Orientales, dépassait 10 000 hectolitres, soit un million de litres.

Virginie Dulac connaît ça, bien sûr, elle qui a travaillé pendant plus de 15 ans en tonnellerie, dans plusieurs grandes maisons de cognac. Responsable de la gestion de ces fûts géants puis de la partie commerciale, celle qui était à l’origine ingénieure bois orientée vers la gestion de production côtoie aussi les ateliers de tonnellerie. Tout au long de son parcours, elle rencontre de nombreux viticulteurs détenteurs d’anciens foudres achetés par leurs grands-parents, désireux de les conserver, par affect. « Je leur proposais alors qu’on leur reprenne, qu’on les démonte pour en faire autre chose, une passerelle, une table de dégustation… Ça leur permettait de garder ce bois acheté par leurs aïeux et imprégné de leur vin. »

Quand vient le temps pour Virginie de passer à autre chose que son emploi de salariée, elle laisse s’épanouir son envie d’entreprendre, et cette bonne idée de recycler les foudres et fûts de ses anciens clients. « Je ne voulais pas travailler dans une grosse industrie. Je voulais mettre les mains dans le bois, son côté artisanal, créer quelque chose. »

« J’étais chez moi »

L’histoire d’amour qui lie Virginie Dulac à ce matériau noble remonte à si loin qu’elle ne se rappelle pas vraiment comment ça a commencé. Ce qui est sûr, c’est le souvenir intact qu’elle a gardé de sa première fois à l’Enstib (École nationale supérieure des technologies et industries du bois) d’Épinal. « L’école est construite en carré. Au centre des bâtiments, il y a les ateliers. Quand j’y suis rentrée, il y avait du bois partout évidemment. Ça sentait bon. J’étais chez moi. J’avais trouvé ma voie. »

En créant Les Bois Dulac, Virginie combine donc ses premières amours et son désir d’entreprendre, en accord avec tout un tas de petites coïncidences qu’elle prend pour des signes du destin. « Mon idée de départ était de reprendre une entreprise d’ébénisterie ou de menuiserie et d’ajouter les foudres recyclés à leur gamme de produits. Mais je n’ai rien trouvé autour de chez moi. En parallèle, j’ai postulé au concours de Nouvelle-Aquitaine Les audacieuses. Ils m’ont retenue et m’ont accompagnée dans mon projet de création d’entreprise. »

Les trois appellations locales

À Montazeau, Virginie Dulac vit entourée de vignes. Pendant le confinement, cette proximité lui donne une idée. « Les foudres, ici, ne sont pas légion. On trouve davantage de barriques. Alors, je m’adapte. Je fonctionne donc autant avec des foudres qu’avec des barriques des viticulteurs locaux. » Elle a calculé : sur les trois appellations Montravel, Pécharmant et Côtes de Bergerac, il y aurait environ 1 700 fûts disponibles par an, soit environ 114 m3 de bois. « En France, 230 000 barriques sont fabriquées par an puis, sont revendues ou finissent en pots de fleurs chez des particuliers. Il ne faut pas que ça reste du bois perdu. Il mérite d’être restauré, revalorisé.  »

Virginie Dulac peut elle-même transformer les douelles teintées de rouge pour en faire du petit mobilier et sous-traiterait la réalisation de plus grands meubles tels qu’une table ou une console. « Je veux que les viticulteurs puissent ré-agencer leur espace d’accueil avec un présentoir ou du mobilier qui raconte l’histoire de leur vin. »

EN CHIFFRES

114 mètres carrés de bois environ disponibles, par an, chez les viticulteurs de Dordogne

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